Dans notre étude précédente sur la guérison de la belle-mére de Pierre, nous avions remarqués comment l'auteur de l'évangile de Matthieu transcrivait l'image d'une réalité passée de l'histoire d'Israël dans le présent avant de la projeter dans l'avenir prophétique.

Charles Perrot (1929), professeur honoraire de l'Institut catholique de Paris, bibliste, spécialiste du judaïsme contemporain de Jésus, a écrit : Le service syngogal repose sur la lecture de la torah. Les éléments liturgiques qui précédent et suivent la lecture sont comme l'écrin chargé de mettre en valeur le diamant... On distingue trois éléments essentiels dans le culte de la synagogue:

1-La lecture d'un seder (un livre de la torah) donc un passage de la loi, c'est le texte de base.

2-Une Haphtarah (un texte tiré des prophêtes) , c'est un complémént du texte de la loi.

3-L'homélie qui donne à la torah une portée actuelle pour les contemporains.

Le culte catholique, c'est inspiré de ce principe en présentant avant l'homélie du prêtre la lecture de l'Evangile suivi de la lecture de l'épître, la prédication protestante ne reposant elle que sur un texte biblique de base richement documenté et surtout actualisé.

Jean Carmignac (1914 - 1986), un autre bibliste qui a consacré sa vie à l'étude des textes des évangiles a écrit : Ils (les écrivains voir les prédicateurs) voyaient dans le passé l'annonce et la préparation du présent, pour eux tout était préfiguration et tout avait une valeur prophétique...

On comprend mieux, le discours de Pierre en 2pierre 1.19 et suivants : Et nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos coeurs; sachant tout d’abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l’Ecriture ne peut être un objet d’interprétation particulière, car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu.

Il semble que l'Evangile de Matthieu soit le reflet des prédications qui ont pour but de montrer aux juifs que Jésus accomplissait les promesses messianiques des écritures. A la fin du 1er siècle de notre ère, de graves dissentions virent le jour entre juifs traditonnels et judéo-chrétiens et très vite se perdit, dans l'église chrétienne, la clé d'interprétation des écritures qu'est l'Evangile de Matthieu. Comme le relate l'historien chrétien Eusébe de Césarée (263-339):

"...Chacun interprétait les écritures comme il le pouvait, à sa façon."