Que Lazare sorte de son tombeau, c'est un miracle. Mais si tous les morts se mettent à en faire autant, notre étonnement va disparaître très vite et l'habitude nous fera considérer la résurrection comme un phénomène naturel dont nous allons nous attacher à connaître les particularités constantes pour les nommer lois…

Nous sommes entourés de miracles dont nous sommes habitués. Nous vivons par miracle, tout le vivant est miraculeux dans ses moindres détails mais nous sommes si habitués au merveilleux quotidien qu'il a perdu le pouvoir de nous émerveiller.

Qu'y a-t-il, par exemple, qui nous paraisse plus ordinaire que les oreilles?

Deux pavillons biscornus… Un homme peut devenir sourd, aveugle, muet, manchot; cul-de-jatte, cardiaque, tuberculeux, châtré et rester un homme. Il peut sombrer dans le coma et continuer à faire partie, passivement, de notre univers, comme un caillou. Mais privé de ses canaux auditifs, semi-circulaires, il est rejeté hors du monde, dont la loi première est l'équilibre.

Qui a conçu l'oreille ?

Il faut être singulièrement facile à contenter pour accepter de voir dans la simplicité harmonieuse dans l'agencement général de son fonctionnement mécanique, acoustique, électrique, chimique, séreux, sanguin, conjonctif, osseux, musculaire, nerveux, liquide, solide, gazeux…etc, le résultat chanceux de mutations hasardeuses. Le hasard ne conçoit pas, n'ajuste pas, n'organise pas. Le hasard ne fait que de la bouillie.

Alors qui?

Il y a quelqu'un…sous le lit…dans l'armoire! Il y a quelqu'un dans notre vie, dans notre chair. Quelqu'un qui nous a faits!

La Création est d'aujourd'hui. La Révélation aussi. Tout est fait à chaque instant. Et tout nous est dit et répété perpétuellement. Mais nous n'entendons plus. Le temps de la connaissance fut celui où les hommes entendaient. Puis vint le temps de la foi, où ceux qui entendaient encore demandaient à ceux qui n'entendaient plus de leur faire confiance et de croire.

Aujourd'hui est le temps de la confusion. Personne n'entend plus rien, et tout le monde croit n'importe quoi. Il faut que vienne le temps de l'évidence.

Dieu doit nous être montré comme deux et deux font quatre.

                                                                                                                                                              Extraits de ‘La faim du tigre’ de René Barjavel.