Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

                             Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:

                             Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

                             Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Combien ces quelques vers de Baudelaire savent exprimer la réalité de nos vies car aucun jour ne se lève sans nous apporter son lot de soucis, de malaise ou mal-être, de chagrin, de souffrance. Soit parce que nous n'avons pas ce que nous désirons la fortune, les honneurs, la santé, un travail, une famille; soit nous avons bien ce que nous désirons, mais quelque chose nous empêche d'en jouir pleinement et c'est, en général, la crainte de le perdre; soit nous n'avons plus la jouissance de ce bien qui faisait le charme de notre vie et alors nous sommes prompts à parler de notre bonheur passé - Il y a dix ans quand...j'étais jeune...j'avais un beau salaire...j'étais en pleine santé...; de notre bonheur à venir - Demain ...l'année prochaine...dans dix ans quand...; mais qu'il nous est difficile de parler de notre bonheur actuel.

C'est que le bonheur, du moins celui que nous cherchons dans le hasard des circonstances de la vie est un rêve. La réalité nous présente tout autre chose.Tant que durera notre pèlerinage terrestre, comme pour Baudelaire, le pâle fantôme de la douleur marchera silencieux à nos côtés, nous remplissant par sa présence d'une crainte indéfinissable. Aussi l'Évangile, en aucun cas, ne supprime l'idée de la souffrance.

«Douleur, tu n'es qu'un nom.» Epictète*

La douleur, selon l'Évangile, est beaucoup plus qu'un nom, c'est la plus réelle des réalités. Quand Paul nous montre comment Dieu assujettira toutes choses au Fils, il dit que la dernière chose qui résistera à cette transformation de l'univers, ce sera la mort, le roi des épouvantes, la personnification de la douleur. Elle durera plus que tout le reste. L'Evangile prend donc les amertumes de la vie au sérieux. Mais il leur donne une signification nouvelle et divine, si bien que, tout en les ressentant vivement, nous pouvons les accepter avec reconnaissance et nous en réjouir comme d'un don excellent. La personne qui voit couler son sang parce qu'elle sauva l'enfant des roues de la voiture, souffre autant que la personne qui se blesse, victime de sa négligence; de part et d'autre, le mal physique est le même ; mais la conscience d'un devoir accompli font éprouver la plus douce des satisfactions. Cette plaie béante est à ses yeux autre chose que des muscles déchirées, elle a un sens, elle est un signe de son courage.

Ainsi, tout n'est pas nécessairement peine dans la douleur, et voilà ce qui permet à l'apôtre Jacques de commencer son épître par ces lignes:

Regardez, mes frères, comme le sujet d'une grande joie d'être entourés de tribulations de toute sorte, sachant que l'épreuve de votre foi produit la persévérence; mais il faut que de la persévérence produise une activité parfaite, afin que vous soyez parfaits et accomplis et qu'il ne vous manque rien.

C'est donc par les tribulations, les épreuves que nous deviendrons «parfaits et accomplis.» Et c'est dans la douleur que nous apprendrons qu'il ne nous manque rien!... à suivre

 

*Epictéte, philosophe grec ( 50 Ap JC- 130 Ap JC ) Autre citation: La santé est un bien, la maladie est un mal. - Faux langage. User bien de la santé, c'est un bien, en user mal, c'est un mal. User bien de la maladie, c'est un bien, en user mal, c'est un mal. On tire le bien de tout, et de la mort même.