Depuis plusieurs semaines, je réfléchis sur le sens de l'attitude de l'âne de Balaam. L'innocente monture du devin fut frappée pour avoir été plus clairvoyante que son maître et n'avoir pas voulu le porter à une œuvre abominable. Et puis, la cérémonie rappelant, soixante-dix ans après, la rafle du Vél'd'Hiv, au cours de laquelle 13.152 juifs avaient été arrêtés, m'a interpelé.

Comment un peuple civilisé pouvait ainsi être rabaissé à l'état d'instruments de haine et de persécution?  Comment un peuple christianisé, craignant Dieu, pouvait envoyer à la mort 13.152 innocents ?

Combien de peuples dans l'histoire et aujourd'hui encore, hélas, sont rabaissés à l'état d'âne de Balaam ?

En 1942, n'avions-nous pas aperçu, le glaive flamboyant de la colére céleste; dans toute l'Europe on "touchait à la prunelle de l'oeil divin" ? Mais, comme l'âne de l'Écriture, nous avons quitté la grande route, la route droite, celle de la justice et de la loi, pour entrer entrer dans les champs, pour fouler aux pieds le bien, les droits, la liberté, la religion d'autrui!

Certainement la vie en France devint beaucoup plus difficile après ces événements, nous étions engagés dans une voie étroite et funeste, la délation, l'égoïsme. Il aura fallu beaucoup de souffrances avant que nous ouvrions les yeux, il aura fallu succombé sous les coups de Balaam avant qu'enfin nous lui écrasions le pied!

Si dans ce billet, je dis "nous" c'est, peut-être, parceque parfois nous nous comportons comme l'ânesse de Balaam, nous quittons "les sentiers de la justice" au lieu de condamner le mal et de briser la tête du serpent!... pour que finalement, après bien des combats et des meurtrissures, nous nous prosternions de nouveau devant le Dieu de justice et d'amour.

Les 16 et 17 juillet 1942, 13.152 juifs étrangers réfugiés en France avaient été arrêtés à Paris et en banlieue par la police française, la plus grande arrestation massive de juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Dénonçant les "crimes inouïs du nazisme", le rabbin Moshé Lewin, porte-parole du Grand Rabbin de France, a invité chacun à participer au "devoir de mémoire", pour "transmettre les valeurs humanitaires (...) de génération en génération". "Il faut le faire pour le salut de l'humanité elle-même, pour ne pas laisser se développer à nouveau l'idéologie barbare" (sic le Nouvel Obs.)