Une curieuse pensée me vint à l'esprit ce matin. Alors que je m'amusais avec des enfants sur les jeux du Carré Curial, je remarquai plusieurs personnes, hommes et femmes, que nous dirons: "Vivant en marge de la société". Quelle attitude devrions-nous avoir envers ces hommes et ces femmes conçus comme nous avec de la glèbe (de la terre suivant la traduction de Chouraqui) rendue vivante grâce au souffle divin? Les servir en les aimant, en les respectant... 

Vouloir servir les plus pauvres, c'est le coeur de la vocation chrétienne c'est bien mais est-ce utile pour le prochain que nous devons aimer comme nous-même? 

En voyant, cet attroupement, je me suis souvenu de l'histoire d'un moine qui juché sur un âne croise un lépreux mendiant sa pitance.

 

Le moine, ému par tant de misère, ne peut que s'arrêter pour bénir ce malheureux avec quelques paroles d'encouragement et lui donner quelques pièces de monnaies. A peine a-t-il repris son chemin qu'il se sent interpellé dans sa conscience. " Pourquoi tant de haine envers ce « glèbeux »?" Après un combat spirituel intense, le moine en convient :" Je n'ai rien fait pour ce pauvre car je ne l'ai pas aimé!" Il s'en retourne vers l'homme, descend de sa monture, il le prend dans ses bras, il l'embrasse fraternellement et passe tout le jour en sa compagnie. 

 

Il est bien de vouloir servir les pauvres mais cela sous-entend déjà que nous avons une situation privilégiée à l'égard de ceux que l'on veut servir, que nous n'avons pas besoin d'eux. Cette sollicitude sociale, adoucissant nos consciences, réduit à rien la dignité et l'enthousiasme de ceux à qui elle s'adresse, elle est donc inutile! Au fond, les malheureux sont pour le monde des importuns; ils gênent, ils troublent alors on s'acquitte envers eux par quelques actes sympathiques banales. Une chose est de les regarder vivre et une autre chose est de vivre avec eux, soulager leur souffrance c'est bien mais souffrir avec eux c'est être compatissant. 

"La compassion chrétienne s'élève autant au-dessus de la pitié que le christianisme s'élève au-dessus du monde." (cit. Ed. de Préssensé) 

Ah! si nous avions les entrailles de compassion de Jésus! 

Mais nous en connaissons de ces hommes et de ces femmes chargés du terrible fardeau de la souffrance d'autrui qui malgré toutes les difficultés et les railleries font des choses extraordinaires au nom de l'Amour. Ils vont, comme Jésus, vers les péagers, les pécheurs, les femmes et les hommes de mauvaise vie et beaucoup de ces perdus trouvent le chemin du ciel. Que faire pour suivre leur exemple ? 

L'apôtre Paul nous le commande en Romains 12;15 : "Pleurez avec ceux qui pleurent!" 

" Si vous voulez savoir si ce que vous faites est juste, demandez-vous si cela vous rapproche des hommes; si ce n'est pas le cas, changez de direction car ce qui ne vous approche pas des hommes vous éloigne de Dieu." ( Cit. Elie Wiesel)