Si dans l’Evangile de Marc, la résurrection de Jésus est clairement proclamée, il est étonnant d’entendre le jeune homme de Marc 16 ;5 attacher le qualificatif de « Crucifié » à Jésus de Nazareth. La résurrection n’efface pas les marques de la croix mais, bien plus elle les valide ! Il semble que Marc veuille buriner le message de la croix dans la tête des chrétiens romains à qui cet évangile est destiné. N’est-ce pas le message d’un pasteur voulant préparer sa communauté aux terribles persécutions à venir ? Dans l’arène face à la cruauté des hommes, comment vont-ils se comporter s’ils ne sont pas préparés ? Ce n’est qu’en découvrant un Messie crucifié qu’ils peuvent comprendre et accepter ce verset terrible : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. » Confesser Jésus comme étant le « Christ », le seul digne de régner sur nos vies, suppose l’acceptation de deux préalables : « se renier » et « prendre sa croix » Suivre Jésus, c’est renier l’importance que l’on a à ces propres yeux, abandonner la confiance que l’on met dans nos êtres en refusant de se glorifier en soi-même. Suivre Jésus, c’est prendre sa croix, signe de mort violente et humiliante. C’est le suivre comme étant soi-même un crucifié acceptant la solitude, le silence de Dieu dans nos vies. Paul l’avait déjà expérimenté car il disait aux Galates : « …avec le Christ, je suis un crucifié… »

L’ordre d’annoncer aux disciples la présence du crucifié en Galilée n’est-ce pas une invitation qui nous est faîte à recommencer la lecture de l’évangile à la lumière de ce fait nouveau : celui qui prêche, qui parle, qui guérit et discute avec les scribes est UN Crucifié ?

Et c’est aux pieds de la croix que l’on découvrira le Christ, le Messie et en Le suivant nous vivront ce temps messianique dont le pôle d’attraction est à l’extérieur de ce monde puisque la vie du croyant est « cachée en Christ. »

Ainsi Christ n'est pas seulement le centre de l'histoire et de la prophétie, il doit être aussi le centre de la vie intime de toute âme baptisée en la vie éternelle. Le chrétien ne doit pas s'imaginer que le bonheur qui fait maintenant son partage soit sa propriété exclusive comme l’exprime l’apôtre Paul en 1 Cor 7 ; 29-31. Vivre le « temps messianique » ce n’est pas fuir vers un ailleurs en niant les pleurs par la joie, en préférant le mariage au célibat, la richesse à la pauvreté (ou leur contraire) ; ce n’est pas non plus être indifférent à la réalité car il s’agit bien ici de pleurer ou de se marier, mais c’est remettre en question les réalités de la vie en la centrant sur le Christ. C’est vivre « le temps messianique » - le temps favorable, le jour du salut (2 Cor 6 ;2 ) – que de vivre le « comme si ne pas » de l’apôtre, c’est l’ultime appel du Crucifié aux crucifiés avec Christ.

Pour le chrétien, le bonheur n'est point dans un passé sans vie ou dans un avenir insondable; le bonheur du croyant est toujours là, toujours présent. Nous ne devons jamais oublier que le Sauveur est à nos côtés, nous invitant à déposer le fardeau qui nous accable, à nous reposer sur son sein.