« Mourir cela n’est rien… mais vieillir ! » chantait Jacques Brel, il y a déjà 40 ans.

On apprend beaucoup de choses dans nos communautés aux enfants, aux ados, aux jeunes adultes, aux jeunes mariés, à tous ceux qui s’approchent de Jésus quelque soit leur âge mais très rares sont les enseignements sur le « comment vivre la vieillesse » ; un thème que Jésus aborde dans l’évangile de Jean :

« En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas.»(Jean 21, 18).

Pierre est très impulsif ; Jean n'a cessé de le décrire ainsi. Il est le premier à répondre à la question de Jésus : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » (Jean 6, 67). Il est aussi celui qui refuse que Jésus lui lave les pieds. Mais lorsque Jésus le persuade de la nécessité du geste, il répond aussitôt d'un ton exalté : « Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » (Jean 13, 9). Mais cet homme si plein de vigueur doit, en vieillissant, renoncer à sa volonté propre. Désormais, il ne peut plus agir comme il l'entend, de la façon qui lui a jusqu'alors paru juste.

Personne n'a envie de se laisser emporter vers la mort mais comme l’apôtre, nous devons nous défaire de notre volonté propre, de notre action, de nous-mêmes et enfin de la vie.

Afin d'évoluer et de nous renouveler dans notre vie chrétienne, il nous faut en permanence nous défaire de ce qui est ancien. « On ne met pas le vin nouveau dans les vieilles outres… » Mais si avec l'âge, le processus devient de plus en plus manifeste et il est aussi, souvent, plus douloureux. Il semble qu’en vieillissant tout nous arrive en même temps.

Nous devons abandonner notre vie professionnelle et cesser de nous identifier à elle. S'agissant de nos forces physiques, nous sommes également contraints de lâcher du lest : nous ne pouvons plus marcher, travailler et agir autant et aussi vite qu'autrefois. Enfin, les gens avec qui nous avons vécu et dont nous nous sentions proches s'éloignent de nous.

Hermann Hesse (18771962 ) romancier, poète, peintre et essayiste allemand puis suisse, prix Nobel de littérature en 1946, écrit dans son « Eloge à la vieillesse » :

 

Toutes les fleurs se veulent changer en fruits,

Les matins se muer en soirées ;

Sur terre nulle éternité,

Tout change, tout s'enfuit.

Le plus beau des étés

Aspire à l'automne, aime à se flétrir.

Feuille, ne tente pas de lutter

Lorsque le vent te vient ravir.

Poursuis tes jeux et ne résiste pas,

Laisse-toi faire en douceur.

Laisse le vent qui te brisa

Te porter vers ta demeure.

 

« Bien vieillir » n’est-ce pas se sentir telle une feuille que le vent porte jusque dans sa demeure ? Mais comme la feuille, il ne faut pas lutter, il faut lâcher prise. Mais en vieillissant, nous ne parvenons à nous « défaire de notre ego » que si nous avons commencé à nous y exercer dès notre jeunesse et à l'âge adulte.

C’est pourquoi Jésus demande à ses disciples de renier leur ego :

« Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive » (Marc 8, 34).

En grec, « renier » signifie dire non, résister, prendre du recul. Il faut résister à la tendance « égotiste » à s'emparer de tout, à vouloir tout s'approprier. Se détacher de ses biens, de son pouvoir ou de sa santé revient toujours à se défaire de son ego. Se défaire de son ego afin de s'ouvrir à Dieu constitue un défi spirituel car cela signifie que ce n'est plus le « moi », mais Dieu qui doit régner en nous. En proclamant le règne de Dieu, Jésus a annoncé la Bonne Nouvelle. C'est en acceptant de laisser Dieu régner en nous que nous devenons nous-mêmes : un homme à la ressemblance de son créateur.

Depuis Jésus-Christ… l’Homme existe-t-il ?

Mais vous n’êtes pas obligé de me croire.