Ils ne sont point rares dans le christianisme ceux qui veulent clarifier leurs raisons de croire dans le but de refaire une société chrétienne, de pénétrer les milieux non-chrétiens. Ils cherchent à convertir et ils y réussissent…En marge de ces « super-chrétiens », il y a une majorité silencieuse de croyants, des chrétiens « ordinaires ». Mais dans chaque groupe, aujourd’hui se trouvent des hommes et des femmes qui ont un besoin vital de réfléchir à l’essentiel. Ils s’interrogent sur la vie et sur leur propre vie, sur ce qui lesmodèle et les domine. Ils sondent leur « christianisme » car ils sont passionnés. Ils veulent vraiment connaître Jésus, en qui ils croient. Souvent leurs questions demeurent sans réponse car elles touchent au mystère de l’humanité, peu leur importe car leur désir est, avant tout, de s’ouvrir à  « l’infini des questions », comme dirait Marc-Alain Ouaknin.

En essayant de comprendre, pourquoi Jésus, dans les évangiles, n’a jamais clairement déclaré qu’il était « Fils de Dieu ou le Messie », ou pourquoi ne permettait-il pas que l’on parle de ses œuvres, la relation entre ce que Jésus a vécu et ce que le disciple a à vivre devient sans cesse plus étroite, plus puissante.

Il ne nous est dit très peu de choses au sujet de la jeunesse de Jésus. Il est probable que l’enseignement reçu à la synagogue par les rabbins ne lui posait aucun problème. Malgré quelques évènements étonnants – comme celui du temple à l’âge de douze ans – il continuait à grandir « en stature et en sagesse », dans la droite ligne du judaïsme de l’époque et des traditions d’Israël. L’épisode des tentations semble confirmer que Jésus était loin de prévoir ce qu’Il allait avoir à vivre et à devenir !

Mais à mesure que Jésus devenait « L’homme », peu à peu, Il semble se dégager de ce qui, dans sa jeunesse, l’avait structuré. Les discussions avec les pharisiens montrent que sa formation religieuse ne reçoit pas, de sa part, un acquiescement spontané et aveugle. Lui, qui ose appeler Dieu : « Mon Père » comprend que le messianisme des écritures n’a rien à voir avec le messianisme auquel soupirait les foules – un messianisme politico / religieux – provoqué par le malheur des temps d’occupation.

Le message évangélique en ces temps difficiles n’est-il pas de promouvoir une vie plus facile pour qui « se tourne vers Jésus » ou « une vie éternelle » dont nous ne savons grand-chose ? ou d’attribuer une grande importance à des manifestations merveilleuses, qui ne sont – peut-être – que le fruit de l’imagination,  du rêve ?

Jésus se détourne de tout cela. Il se sentait investi d’une mission particulière : la révélation de l’avènement du royaume non prochain mais déjà là, non pas au dehors mais au plus intime de qui l’accueillerait avec foi dans la fidélité… Cela il le suggérait lentement, progressivement, avec prudence, à travers ses paraboles que si peu de ses auditeurs comprenaient.

Et comme aujourd’hui,  beaucoup se bornaient à un compromis plus ou moins conscient entre ce que l’autorité des siècles passés ordonnait, la routine des traditions et ce qui s’insinuait dans leur esprit du fait de sa présence.

« Mais plus un homme va loin sur le chemin qui est le sien, plus il le fait seul. Combien de croyants vivent cette solitude, non pas celle des ermites qui s’enfoncent dans « les lumières du passé » au lieu de s’avancer à tâtons dans «  les ténèbres de l’avenir ». »  Paul Légaut

A mesure que nous avançons sur le chemin de la foi et de la fidélité où nous sommes appelés nous apprenons à connaître cette solitude au milieu de tous et jusqu’auprès de ses plus proches.

N’est-ce pas là le seuil de la porte étroite que tout disciple digne de ce nom doit franchir pour rejoindre le maître.