Les évènements terribles vécus par la société Française depuis l’attentat de « Charlie Hebdo » éveillent en nous certaines craintes face à la mort.

Cela peut-il nous arriver – à nous ? Et si cela nous arrivait, pourrions-nous survivre, retrouver le goût de la vie ?

Alors que mon épouse racontait la réflexion pertinente faite par son petit fils, et cela  pour la énième fois – mais vous connaissez les grands-mères…- un ami de lui posait la question : « Mais quel âge a-t-il ? » ; « Quatre ans ! » lui répondit la mamie ; un éclair me traversa l’esprit. Le titre du Nouvel Obs : Killian, 4 ans, Kayla, 6 ans, Mehdi, 13 ans... : l'enfance volée de Nice.

Comment peut-on se remettre d’un tel malheur, d’une épreuve aussi terrible ? Comment peut-on reprendre goût à la vie ?

Comment vivre quand on vous prive de ce qui vous réjouissait « du lever du soleil jusqu’à son coucher » ? Comment vivre quand on a plus d’espoir, quand la vie devient vide, vide de sens, vide de tout ?

Deux hommes sont sur le chemin qui les ramène chez eux ; ils ont vécu un temps extraordinaire, mais l’aventure est terminée et c’est fini pour eux aussi. Ils rentrent chez eux, à Emmaüs, ils vont s’enterrer dans l’ennui et la solitude, ils n’ont plus d’espoir : Jésus a été crucifié !

Pour reprendre des paroles de Gilbert Bécaud : « Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie ? »

Les deux compagnons n’ont aucun projet à long terme, mais quand même, ils décident de quitter Jérusalem. Après une marche de trente kilomètres : on verra bien. Quand on est déboussolé, il faut peut-être de se donner un but à atteindre, une tâche toute simple à court terme. Il faut, je pense, se désencombrer la tête du passé, des regrets.

Paul Ricoeur dit qu’il faut faire une différence fondamentale entre le souvenir et le ressassement.

Les amis d’Emmaüs expriment leurs ressentiments, leurs interrogations, leurs incompréhensions à un inconnu qui leur explique pourquoi Jésus a voulu être crucifié. Ils peuvent enfin comprendre et cesser de ressasser leur histoire ! N’est-ce pas là l’image des soutiens psychologiques ? Parler et ne pas s’enfermer dans un quelconque mutisme.

Et tout à coup les deux disciples le reconnaissent mais l’inconnu, Jésus, disparaît. Comme ci il avait terminé son travail : « Maintenant que vous êtes guéris ; vous n’avez plus besoin de moi. »

« Ils se levèrent à l’heuer même, retournèrent à Jérusalem et ils retrouvèrent l’assemblée des autres disciples. » Luc 24

Les disciples acceptent sa disparition et son départ à tout jamais. C’est la fin du deuil : accepter que l’être cher soit parti pour toujours, le laisser partir.

En cherchant une consolation pour un enterrement, j’ai lu ce verset dans le Cantique des cantiques : « Tu peux partir mon bien-aimé, fuis, je te laisse aller. Sois semblable à une gazelle, à un jeune faon sur les montagnes embaumées. »  Ct. 8,14